La femme-objet, la jeune fille ravalée au rang de simple artéfact sexuel, est l'un des grands thèmes du rap, dans sa version la plus infréquentable. Et au sein même de ce thème, en particulier dans ce Sud américain festif et licencieux, il n'est pas rare qu'il soit question des créatures dénudées qui s'exhibent en strip-club. C'est un passage obligé, un cliché, une loi du genre. De là à en faire une discipline en soi, il y avait cependant un grand pas. Mais ce pas, BeatKing, un natif de Houston, n'a pas hésité à le franchir, en se positionnant comme le grand zélateur d'une gangsta stripper music dont cette mixtape récente, parrainée par la légende locale Michael 5000 Watts, est le second manifeste, le meilleur.
Dans l'ensemble, tout cela est fidèle aux canons en vigueur à Houston. Malgré des virées électroniques soutenues telles qu'on les attendrait plutôt de toute musique de club ("Clubgodzilla", "Good P"), on y entend surtout les beats mélodiques, le rythme lent, voire quelques voix screwed, caractéristiques de la H-Town. Dès le premier titre, "Friendly", tous ces éléments sont concentrés au même endroit. Et pour renforcer la couleur locale, de nombreux rappeurs du coin, aussi, sont venus prêter renfort à notre homme, Lil Keke par exemple, pour le plus connu.
A cela, s'ajoutent quelques caractéristiques du rap de notre temps, comme l'utilisation occasionnelle de l'auto-tune, celle du rappé-chanté, des onomatopées employées comme motifs rythmiques ("End of the Day"), des phrasés mécaniques et saccadés ("Too Much Lean 2014", "By Myself", "Dat Bag", etc.) popularisés en d'autres lieux par Migos. Sujet oblige, quelques bitches de choix interviennent, notamment Gangsta Boo. Il y a aussi la grosse voix de BeatKing, tout aussi grasse et macho que son thème de prédilection. Et surtout il y a ce dernier, ce sujet dont le rappeur ne dévie strictement jamais. Car Gangsta Stripper Music n'est bien donc que cela : une suite ininterrompue d'encouragements à l'exhibition, des appréciations de connaisseur sur la qualité et la saveur des sexes féminins.
Quand BeatKing demande aux femmes de dévoiler leur sourire ("Smile"), il pense à celui qu'elles ont entre les jambes. Quand il donne dans le slogan, c'est pour se lancer dans quelque chose façon "chienne, tape des mains, si tu as une jolie chatte" ("Good P"). Quand il fait intervenir à la radio une auditrice, le temps d'un interlude, cette dernière lui propose d'ouvrir grand la bouche pour lui offrir une petite gâterie ("97.9 The Box Kiotti Late Night Hype"). Et le tout est délivré bien sûr avec une bonne dose d'humour potache. C'est celui-ci, ainsi qu'une production solide, qui permet à BeatKing d'emporter le morceau, et de montrer avec quelle variété et quel talent sait être décliné un thème aussi ciblé, une telle obsession.
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