Le Michigan, c'est fini. Plus ou moins. Le rap de cet Etat est en bout de cycle. Après un bouillonnement brouillon, puis un engouement grâce auquel tout le monde a tenté sa chance, s'est échappé de l'underground et a enflammé un panel plus large de gens avec des morceaux de folie, le temps de la normalisation est venu. Aujourd'hui, les projets sont plus consensuels et la musique est moins marquée régionalement. Beaucoup en sont arrivés là. Mais pas YN Jay.

YN JAY & LOUIE RAY - The Scouts 2

On peut toujours compter sur le Coochie Man. Même si ce grand fou a profité des lumières apportées par Lil Yachty avec son Michigan Boy Boat, il est resté fidèle à lui-même. Sa première sortie de 2024, une suite à The Scouts (sorti il y a trois ans avec Louie Ray, le demi-frère de Rio Da Yung OG), vaut qu'on y fasse un détour ou deux. C'est du Flint pur jus, dès ce "Could've Had It All" qui, sur un sample cramé d'Adele, repose sur du shit talking à deux voix à la Rio et RMC Mike. Et qui traite de quels thèmes, je vous le donne en mille ? Des filles, et du sexe.

Avec ou sans Louie Ray, Jaylein Cantrell demeure ce que dit son surnom. L'homme à schneck nous parle des femmes et des parties de leurs corps qui le fascinent le plus ("ass", "titties"), au point de limiter son refrain à la répétition de ce seul mot, "body", sur le titre du même nom. Les chantonnements de "So Long", n'ont que deux messages : 1 – rentre chez toi si tu ne suces pas de bites ; 2 – il faut que ça dure longtemps. "Head", bien sûr, parle du même sujet. Et il n'est pas difficile de deviner celui du rigolo "Titty Song", un titre déjà apparu précédemment.

A contrecourant du style nerveux en vigueur dans le Michigan, il y a de jolis morceaux doux, "Or Nun" par exemple. Mais le sujet reste le même, les filles, et le rappeur y récidive avec ses cris débiles. Même sur le titre final, "Heaven Sent", censé être le grand moment mélancolique de l'album, YN Jay et Louie Ray ne peuvent s'empêcher de débiter des conneries. Au bout du compte, The Scouts 2 donne l'impression que les rappeurs de Flint n'ont jamais été repérés, qu'ils n'ont jamais pensé au succès, qu'ils sont restés à faire les zouaves au cinquième sous-sol.

Concoctée par le fidèle Wayne616, la musique est quant à elle toujours aussi chaotique. C'est un grand carambolage de cloches, de pianos et de synthétiseurs, assaisonné encore des onomatopées invraisemblables de YN Jay. C'est artisanal, ce sont les blagues d'une bande de pieds-nickelés qu'ils ont enregistrés à l'arrache, spontanément, n'hésitant pas à réutiliser dix fois le même mot quand il leur manquait une rime. Cette allure de foutoir est plus marquée encore quand, sur l'hilarante suite d'insultes de "A$$ N!gga", les deux hommes stoppent le beat d'un coup pour continuer à déblatérer leur grand n'importe quoi. Ou quand sur "Glocks AKs Dracos PLRs" et "Titty Song", YN Jay s'y reprend à plusieurs fois pour entonner un vers. Quant au début de "Fawked Up", on jurerait qu'il a été enregistré à l'autre extrémité de la rue.

C'est un grand désordre, un immense bric-à-brac, un gigantesque bazar, et c'est très inégal.

Mais c'est bien.

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