Cela fait dix ans maintenant que Kodak Black est entré dans nos vies de fans de rap. Dix ans au cours desquels il a soufflé le chaud et le froid, autant artistiquement que personnellement. Dix ans où, à chaque fois qu'on a pensé qu'il était temps de s'en détourner, le Floriden a rappelé avec éclat ce dont il était capable. L'an dernier, par exemple, quelques mois seulement après un Pistolz & Pearlz anodin, il est revenu en surprise avec un grand album, When I Was Dead.
Comme annoncé par cette pochette en noir et blanc où il se met à nu, comme attendu d'un album limité en invités (seulement les amis du Sniper Gang), voici du Kodak Black dans sa plus pure expression. Voilà des raps où il se livre sur cette vie abimée qui ressemble à une agonie.
When I Was Dead, c'est du blues. C'est le manifeste des émois, du malaise et des états d'âme du rappeur. Il y confesse son inadaptation sociale ("Close To Me"), sa solitude ("Fuck You Too"), sa soif désespérée d'amour ("Right On Time", "Facetime Hiding"), son incapacité à trouver le repos ("Master Peace"), sa fuite dans la drogue ("2'CY"), son enfermement tragique dans un personnage ("I’m Kodak ") ou dans ces projects que l'argent ne lui permet même pas de quitter ("Hard Life"). Un argent qui éloigne plutôt qu'il ne rapproche, d'après "Scared Of My Money".
Le rappeur floridien parle aussi de cette menace perpétuelle qu'est la mort. Une mort d'autant plus visible sur le titre "Extra Clips", qu'y participe son ami WizDaWizard, assassiné en 2021.
When I Was Dead est une catharsis, où la détresse émotionnelle se mêle aux routines du gangsta rap, où sa rudesse de fauve des rues interdit Kodak Black d'exposer trop aisément son désarroi sentimental, comme il le dit d'entrée sur ce "Kylie Grande" que produit Metro Boomin :
I don't cry, love
I'm just barkin' at the moon
Je ne pleure pas, mon amour
Je ne fais que hurler à la lune
Ces propos sont magnifiés par l'interprétation, par ces raps qui dérapent en mélodies fragiles, par ces vantardises lancées sur un ton morne et résigné, par ces mots étranglés, chantonnés la gorge nouée. A cela s'ajoute une musique chiche, sobre, éparse : deux ou trois notes de piano triste, quelques sons vaporeux, les percussions mécaniques et désossées de la trap music.
Même sur le tube, le minimalisme l'emporte. "Lemme See" est incroyablement attractif, compte-tenu de son dépouillement radical. Kodak Black est tout aussi éloquent quand, sur la guitare de l'intense "Came Thru Flushin’", il dévoile ce qui est son dilemme, son irrémédiable tragédie et le carburant de son art : quel que soit le succès, quelle que soit la reconnaissance, c'est par les chiottes que ce fils d'émigrés haïtiens est arrivé, et jamais il ne quittera le caniveau.
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