Z-Ro a une grande année. Après le bien nommé EP Solid en janvier, il a sorti un album pendant l'été, et il s'apprête à en proposer un autre, Legendary, pour le 11 novembre. Z-Ro, pour être un peu plus exact, a eu en fait 20 grandes années, vu que, depuis 1997, le rappeur qui incarne sans doute le mieux le son de Houston, a sorti une vingtaine d'albums solo, pas loin d'une dizaine de collaborations, et une quinzaine de mixtapes. Le plus admirable, c'est que cette production, où il déroule de façon immuable son rap chantonné d'une voix de baryton et sa posture de mauvais garçon triste, se montre très constante. 2016, toutefois, est un grand cru, comme le démontre encore le projet du milieu, un album intitulé d'après le style de vie popularisé par la Screwed Up Click : conduire sous l'effet de la codéine.
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Drankin' & Drivin', en fait, continue sur la lancée de Solid. La seule différence est que, du fait de sa plus longue durée, l'intensité y est moins continue, que la qualité y est plus délayée. Toutefois, elles sont bel et bien présentes, dès "Devil Ass City", un titre introductif parfait d'attitude agressive et de menaces lourdes. Ici, Z-Ro s'en prend aux haters, à tous ceux qui oseraient se dresser sur son chemin. Cette haine, c'est son sujet central, il l'entretient tout au long de l'album, quand il se satisfait des billets qu'il a en poches ("My Money"), quand il se déclare au dessus de tous les niggas et toutes les bitches qui l'entourent ("Where the Real"), quand il s'en prend aux profiteurs ("I Ain't Gonna Lie"), et que, sur "He Hoes" et cette jolie réinterprétation du "Many Men" de 50 Cent qu'est "Women Men", il dévirilise tous ceux qui oseraient se mesurer à lui ou médire dans son dos.
Cette suffisance et cette dureté, Z-Ro les montre en toute occasion. Par exemple, même quand il se lance avec douceur dans une chanson sur l'amour, l'acte sexuel semble être tout ce qu'il en retient ("Naked Headed Lover"). Mais comme à son habitude, cette assurance crasse se mâtine d'une mélancolie profonde. Cette dernière n'est jamais explicite, à part sur la lamentation de "Since We Lost Y’all" (avec Krayzie Bone, son seul invité ici), mais elle transparait dans les mélodies tristes de ses raps, comme dans les paroles, par exemple sur "Hate Me So Much", où Z-Ro inverse la perspective et s'interroge sur ceux qui le haïssent ; il leur répond par l'indifférence, par un "bien faire et laisser braire", mais on devine que son cœur de pierre et ses bravades ne sont qu'une parade à son insécurité émotionnelle. Les histoires du rappeur sont, en fait, une chronique de ses peines et trahisons, comme celle de cette ancienne compagne dont il parle sur "Baby Momma Blues", et qui a réussi, par vengeance, à retourner sa fille contre lui.
Sur l'un des moments forts de l'album, "New Shit", Z-Ro célèbre sa persistance, il met en exergue sa résistance aux haters. Il déclare même que ses détracteurs sont son carburant. "Without them there's no me, I love my haters" ("sans eux, il n'y a pas de moi, j'adore ceux qui me détestent"), y dit-il. Le rappeur, en effet, se révèle dans l'adversité. Il précise aussi, dans le refrain du même titre, que ceux qui n'aimeraient pas ses derniers trucs peuvent toujours se référer aux anciens. Mais cela, en fait, ne sert à rien, car la différence est toute relative. Chez Z-Ro, il y a un éternel, une flamme qui survit à travers les âges et sur toute sa discographie, comme ses deux premières sorties de l'année l'ont prouvé, une fois encore.
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