Qwel, avant The Harvest, c'est un tiers des Typical Cats, le trio de rappeurs qui a fait connaître Galapagos4, label central du rap indé de Chicago autour de l'an 2000. Ce sont aussi deux albums cotés dans l'underground, If It Ain't Been In A Pawn Shop... et The Rubber Duckie Experiment. Quant à Maker, c'est Honestly, un très bon opus semi-instrumental, et Seconds Away, une autre réussite concoctée avec DJ DQ et le rappeur Adeem, sous le nom de Glue.

QWEL & MAKER - The Harvest

Voir ces deux-là collaborer sur tout un album n'a alors rien de fortuit. Depuis toujours, Qwel et Maker nagent dans les mêmes eaux, à Chicago. Ils ont déjà proposé un titre commun sur Honestly. Et Maker a produit certains titres, les meilleurs, des derniers disques Galapagos4.

The Harvest, pourtant, premier album d'une série que Qwel consacrera aux quatre saisons, façon Vivaldi, est une petite révolution. Ici, il trouve enfin le producteur constamment bon qui lui a toujours fait défaut. Et lui aussi, il tient la route. Il déclame comme jamais, sans temps mort, son rap haletant éprouvé à l'école des freestyles et des battles, s'en prenant à l'état du hip-hop ("The IT In Keeping It Real"), à son propre pays ("The Siren Of Liberty Island") ou aux médias ("The Network"), tour à tour critique et sarcastique, éploré ("Ugly Hungry Puppy", "Ruby Ragdollenne") ou amoureux ("Where I Go, There I Go"), passant du rappé parlé au double time, enflammé, rappant toutes tripes dehors, mais sans sombrer dans les facilités du rap "emo".

Pendant ce temps, Maker est tout aussi irréprochable. Il redonne foi en la bonne vieille boucle, sachant à merveille la laisser tourner, l'interrompre, l'agrémenter ou la maltraiter quand il le faut, multipliant les timbres et les instruments, sans pour autant jamais donner dans le criard.

The Harvest, au bout du compte, est l'une des merveilles livrées par l'underground rap dans les années 2000, un disque sorti sans tambour ni trompette par deux artistes méconnus, bourrés de talent et appréciés du circuit indé, mais pas assez sexy ou démagos pour décrocher la timbale. Leur recette n'a alors rien de neuf, mais elle touche à la perfection. A deux, avec The Harvest, Qwel et Maker ont conçu un objet rare, que seules permettent de très spéciales conjonctions astrales : un album de rap bon d’un bout à l’autre, de la première à l'ultime plage.

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